ROMPRE AVEC L'ÂGISME C'EST D'ABORD LE COMPRENDRE

Qu’est-ce que l’âgisme?

Tout le monde vieillit! Dans ce cas, pourquoi l’avancée en âge suscite-t-elle si souvent tourments et inquiétudes? L’explication se trouve en partie dans un phénomène social qu’on nomme l’âgisme. 

L’âgisme est une forme de discrimination fondée sur l’âge qui se traduit par des attitudes négatives ou par des gestes qui contribuent à l’exclusion sociale des personnes aînées.

 

Nous devons avant tout reconnaître que nous ne vieillissons pas toutes et tous de la même manière ni dans les mêmes conditions. Les recherches montrent que le vieillissement est un processus (et non un état) à la fois individuel, social et culturel, qui s’amorce dès notre naissance et qui nous transforme tant sur les plans physique et cognitif que sur celui de nos relations avec les autres et avec notre environnement. Nous ne vieillissons pas aux mêmes rythmes comme parents, comme travailleuses ou travailleurs, comme amies ou amis, comme sportifs ou sportives… En ce sens, il est sans doute préférable de parler des vieillissements, au pluriel!

 

À l’origine des préoccupations sur l’âgisme

Pour contrer l’âgisme, il faut d’abord savoir en reconnaître les manifestations et expressions. Malheureusement, cette forme de discrimination demeure peu connue.  En effet, elle passe la plupart du temps (et malheureusement) sous le radar. Démystifions ce « préjugé ultime » si  largement toléré et invisibilisé. C’est en 1969 que le gérontologue américain Robert Butler observe une tendance à mettre dans le même panier toutes les personnes appartenant à un même groupe d’âge – et particulièrement les personnes aînées. Consciemment ou non, nous leur attribuons des caractéristiques associées au groupe des « personnes aînées », sans tenir compte de leur personnalité unique, de leurs différences, de leurs conditions de vie, bref, de leur parcours singulier.

Bien-sûr, des stéréotypes flatteurs et positifs circulent au sujet des personnes aînées. Il n’est pas rare d’entendre dire qu’elles sont des sages, bienveillantes, engagées et disponibles. Qui de mieux que grand-maman pour concocter un remède maison, n’est-ce pas? Les conseils conjugaux d’un couple qui célèbre ses 40 ans d’union ne sont-ils pas précieux? 

Cela dit, les personnes aînées sont bien souvent décrites comme étant inutiles, incompétentes, vulnérables ou trop fragiles pour accomplir certaines tâches, résistantes au changement, conservatrices et égoïstes. Il n’est pas rare qu’elles soient qualifiées de confuses ou, même, de séniles; le moindre signe de faiblesse est identifié comme une vulnérabilité, une inaptitude. Vu comme un objet défectueux, le corps âgé devient source de honte et de pitié pour soi ou pour autrui. Il est fort probable que le culte de la jeunesse, de la beauté et de la performance contribue à alimenter dès l’enfance notre perception négative du vieillissement.

Les stéréotypes ont des impacts importants; ils façonnent le regard que la société porte sur les personnes aînées. Ils nous empêchent de les reconnaître dans toute leur diversité et nous incitent à  croire que celles qui défient nos préjugés sont des individus d’exception. Pour prendre connaissance de l’ensemble des conséquences engendrées par l’âgisme, lisez notre texte à ce sujet!

 

Les formes d’âgisme

Des recherches ont identifié quatre types d’âgisme envers les personnes aînées : 

  • L’âgisme hostile implique des paroles ou des comportements délibérés et malveillants à leur endroit. L’expression « boomer remover » en est un exemple. 
  • L’âgisme de compassion, plus subtil, consiste à les percevoir d’emblée comme étant vulnérables, devant être prises en charge, incapables de s’occuper d’elles-mêmes et de prendre des décisions. Elles se voient ainsi privées de leur droit de parler et d’agir; plusieurs se sentent en quelque sorte infantilisées. 
  • L’âgisme intergénérationel concerne les attitudes et comportements stéréotypés et discriminatoires des membres d’une génération envers les personnes plus âgées qu’eux et elles. Ce type d’âgisme s’inscrit souvent dans des tensions entre les générations. 
  • L’âgisme intragénérationnel se manifeste au sein du groupe social formé par les personnes perçues comme étant âgées. Dans ce cas, ce sont les personnes aînées elles-mêmes qui se distancent, voire discriminent leurs confrères et consoeurs. Les plus jeunes du groupe peuvent chercher à se distinguer des plus vieilles; celles qui sont «en forme», de celles qui ont des problèmes de santé, par exemple. 

 

ll faut reconnaître que nous avons toutes et tous été témoins, porteurs ou cibles d’âgisme. Qu’il soit intentionnel ou non, implicite ou explicite, il se manifeste partout : dans les dynamiques familiales et organisationnelles comme dans les contenus médiatiques, pour ne nommer que ces milieux. Le fait d’en prendre conscience est un pas dans la bonne direction, celle de notre rupture avec l’âgisme!

Références
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