«COMME VU À LA TÉLÉ» : L’ ÂGISME DANS LES REPRÉSENTATIONS
L’âgisme dans les représentations
Une publicité annonce le lancement très attendu d’une télésérie policière. Photographiée en gros plan, la tête d’affiche, une actrice qui célèbre ses 50 ans de carrière, pose devant une voiture blindée vêtue d’une minijupe et d’espadrilles.
Une scène de cinéma fait jaser sur les médias sociaux : on y voit deux hommes d’âge mûr vivre un amour torride.
Aux infos, il est question d’une femme de 75 ans qui termine son 10e demi-marathon en autant d’années. Lorsqu’elle passe le fil d’arrivée, la journaliste l’interpelle : « Quelle performance ! Comment faites-vous pour demeurer aussi en forme à votre âge ? »
Ces trois anecdotes fictives ouvrent des pistes de réflexion à propos du regard que nous posons sur les personnes dites « âgées ». Ces situations causent-elles un malaise ? Sont-elles, au contraire, rafraîchissantes ? Les façons dont nous sommes représentés dans les médias, traditionnels ou sociaux, influencent nos perceptions de nous-mêmes et des autres, ainsi que nos comportements.
Davantage de représentations négatives que positives
Plusieurs études montrent que les médias peuvent contribuer à entretenir certaines formes d’âgisme. Cette discrimination basée sur l’âge se traduit notamment par une faible visibilité des personnes aînées dans les productions cinématographiques et télévisuelles et dans les publicités, entre autres. En plus d’être sous-représentées, les personnes aînées sont souvent dépeintes d’une manière qui témoigne d’un âgisme encore plus insidieux. Les images de « vieilles » et de « vieux » peu attirants, mal habillés, ridicules (notamment lorsqu’ils tentent de paraître jeunes), inactifs, dépendants, vulnérables, séniles, maussades, méchants et, même, diaboliques, lorsqu’elles sont répétées, alimentent les stéréotypes. Une vaste étude exploitant une base de données de plus de 1,1 milliards de mots, tirés de contenus d’émissions radiophoniques, télévisuelles, de séries de fiction, de magazines et de journaux du Royaume-Uni et des États-Unis, a démontré que les descriptions négatives des personnes âgées sont six fois plus nombreuses que les positives. Les descriptions négatives ont tendance à être physiques, tandis que les descriptions positives ont tendance à être comportementales. Les magazines contiennent les niveaux les plus élevés d’âgisme, suivis des émissions radiophoniques, des journaux et de la fiction.
En dépit de l’idéal d’objectivité, il est fréquent que le contenu journalistique offre, aussi, une vision biaisée des réalités des personnes aînées. L’accent mis sur les « problèmes » soutient une vision essentiellement négative et alarmiste du vieillissement. Les termes utilisés parlent d’eux-mêmes : on appréhende une « apocalypse démographique », une « marée grise », un « tsunami gris », un « assaut » et même un « armageddon » gériatrique! Avec de tels titres, les personnes aînées sont présentées comme un fardeau économique pour les générations qui les suivent. On les considère en bloc comme les premières responsables de nos problèmes financiers, sociaux et environnementaux. Pour ajouter à ce sombre tableau, des études soulignent l’attention démesurée – comparativement à leur occurrence réelle – portée par les médias à l’Alzheimer et aux maladies apparentées (les bien mal nommées « démences »).
Des représentations qui creusent le gouffre intergénérationnel
Ces représentations contribuent à créer un gouffre entre les « jeunes » et les « vieux », où les personnes aînées sont envisagés comme un groupe homogène dont les intérêts sont irréconciliables avec ceux du reste de la population. Les représentations provoquent certaines émotions envers les personnes aînées (méfiance, peur, rejet), lesquelles nourrissent un âgisme hostile. Bien entendu, des stéréotypes plus positifs sont parfois mis de l’avant : on présente ainsi des personnes aînées engagées, productives, autonomes et actives. Toutefois, on le fait en soulignant qu’elles réussissent à « avancer en âge » sans « vieillir ».
Bref, même les contenus médiatiques qui se veulent aussi objectifs que possible ne peuvent être considérés comme de simples « reflets » de réalités qui les précèdent. Lorsqu’ils ne sont pas nuancés, ils ne nous exposent pas à une variété de façons de vivre, d’aimer, de s’amuser et d’être en relation tout au long de notre vie : ils finissent par engendrer une vision réductrice et négative des personnes aînées. Voilà pourquoi il importe de s’ouvrir à des représentations diversifiées de l’âge.