« TRAVAILLER C’EST TROP DUR », AVEC DE L’ ÂGISME AU TRAVAIL
L’âgisme au travail
« Travailler, c’est trop dur », dit la chanson de Zachary Richard. Nous passons une grande partie de notre vie au travail. Il est donc tout à fait légitime d’espérer qu’il nous permette de nous épanouir, peu importe notre âge. Or, en vieillissant, il est possible que nous soyons jugés moins performants, productifs et motivés, plus rigides et réticents au changement (notamment technologique) ou ayant moins de potentiel de développement que nos collègues plus jeunes. Ces stéréotypes peuvent nous affecter dès la mi-quarantaine et témoignent de l’existence de l’âgisme sur le marché du travail.
Pernicieux, les préjugés engendrent parfois l’adoption de comportements discriminatoires, ou âgisme hostile, de la part des employeurs et des collègues. L’emploi d’un langage contrôlant, condescendant ou infantilisant, teinté de mépris, d’humour dénigrant ou d’indifférence, ainsi que l’exercice d’une autorité et d’une discipline excessives, contribuent ainsi à la marginalisation des travailleuses et travailleurs vieillissants. Malgré le fait que des stéréotypes positifs leur soient associés (par exemple la fiabilité, la stabilité et la loyauté), il n’est pas rare que des tâches simples, routinières, ennuyeuses ou désagréables leur soient confiées, ce qui rend leur expérience de travail moins satisfaisante. Ou alors les employeurs rejettent des qualités associées aux employés plus âgés, pour leur préférer des capacités associées à tort aux plus jeunes, comme le multitâche ou la capacité d’adaptation rapide.
Des conséquences multiples
Une santé psychologique fragilisée et une estime de soi diminuée figurent parmi les conséquences de l’âgisme en milieu de travail. À force de voir leurs compétences dévaluées, des travailleuses et travailleurs âgés en viennent même à quitter prématurément leur emploi. Lors des exercices de restructuration, ils sont par ailleurs souvent les premiers invités à partir. Même s’ils sont plus avancés dans leur carrière, plusieurs ne se sentent toutefois pas tout à fait prêts pour la retraite.
Les décennies qui s’accumulent sur le CV rendent difficile la recherche d’un nouvel emploi. D’autant que certains employeurs associent « vieillissement » à « diminution de la productivité », de la qualité du travail, de la performance. Or aucune étude ne fait état d’une relation directe entre l’âge et la performance au travail : cette dernière serait davantage influencée par d’autres facteurs, tels que l’accès à la formation. Par ailleurs, plusieurs employeurs pensent, à tort, que les travailleuses et travailleurs vieillissants ont davantage d’accidents de travail et de problème de santé et qu’ils sont la source d’un taux d’absentéisme élevé, ce qui, encore une fois, relève davantage d’une perception que d’une réalité documentée. Conséquemment, à compétence égale, les employeurs privilégient malheureusement l’embauche de candidates et candidats plus jeunes. Alors que les périodes de chômage auxquelles ils doivent faire face se prolongent, certains travailleurs et travailleuses vieillissants se résignent à travailler à temps partiel ou à contrat. Dans certains cas, ils se retrouvent dans des conditions d’insécurité financière ou de pauvreté.
Depuis le milieu des années 1990, le marché de l’emploi prolonge la carrière et retarde l’âge de la retraite. Nous sommes plus que jamais sensibilisés à la pénurie de main-d’œuvre, entre autres, en enseignement et dans les soins de santé, les services publics, le tourisme et le transport. Cette situation met en lumière les conséquences économiques et sociales de l’âgisme en milieu de travail. Alors qu’il est possible de s’enrichir collectivement de l’expérience et de la disponibilité des travailleurs et travailleuses âgées, les attitudes âgistes contribuent à les exclure.
Toutefois, rompre avec l’âgisme nous invite à voir au-delà de la simple valeur économique du travail des personnes aînées (ex. éviter un ralentissement des activités d’une entreprise ou un bris de services). Chaque individu, qu’importe son âge, ajoute des compétences, des connaissances, une expertise, des valeurs qui lui sont propres.
Agir concrètement contre l’âgisme au travail ne peut qu’enrichir l’expérience de tous les employés d’une organisation. À la prochaine pause-café, profitons-en pour échanger entre apprentis et mentors!